Pénurie de truites dans nos rivières, les vraies raisons.
Quels sont donc les facteurs ayant entraîné la réduction du nombre de truites dans nos rivières ? Ils sont multiples, parfois visibles mais très souvent invisibles. Avec des effets immédiats et dévastateurs parfois sur la biodiversité aquatique. Ils peuvent être naturels mais sont là plupart du temps artificiels et la conséquence de l’activité ou de l’absurdité humaine.
Il est si facile de mettre sur le dos des pêcheurs souvent appelés « viandards », la raréfaction de certains poissons dans nos cours d’eau et nos lacs. C’est malheureusement le petit arbre qui cache l’immense forêt. Qui sont donc les vrais coupables ?
Les barrages
En l’espace d’une cinquantaine d’années, notre société a évolué de manière exponentielle. La course à l’énergie, conséquente de la demande toujours plus forte des consommateurs que nous sommes, a contraint les pouvoirs publics à édifier de nombreux barrages sur nos cours d’eaux. Les impacts de tels ouvrages entravant le lit d’une rivière sont multiples. Parmi les principaux, on peut citer la modification du lit de la rivière à l’aval, la perturbation du débit naturel avec la fin de ses étiages et de ses crues, l’arrêt du transport des granulats ainsi que l’augmentation de la température moyenne annuelle de l’eau.
Il ne faut pas oublier les coups de vannes entraînant une forte perturbation des poissons et dans certains cas, la mise au sec d’alevins avec une mort assurée de ces derniers à la clé.
Pire que tout, lors des vidanges décennales, l’évacuation des boues qui étouffent la vie et concentrent en plus de nombreux polluants.
Les résultats de ces perturbations sont très nombreux et modifient obligatoirement le profil et la vie dans le cours d’eau concerné. Dans la plupart des cas, les zones aval où les salmonidés avaient la possibilité de frayer se transforment en secteurs non propices à la reproduction. Ceci est la conséquence de l’absence du renouvellement naturel de granulats, le barrage stoppant le transport des matériaux. Cet effet, cumulé aux chasses d’eau mettant la roche mère à nue, rend le secteur stérile. De la même manière, la sédimentation des fonds avec un colmatage des gravières par des boues lors des vidanges de l’ouvrage donnent un résultat identique.
La séparation du continuum fait également augmenter la température moyenne annuelle de l’eau, ce qui n’est pas vraiment favorable aux salmonidés. Peu à peu et irrémédiablement, certaines portions de rivières ont donc vu leurs peuplements se modifier. Les cyprinidés, moins exigeants en oxygène et plus résistants aux températures plus élevées, ont remplacé les truites et les ombres sur certaines zones à l’aval de barrages. De la même manière, les peuplements en insectes aquatiques ont subi les mêmes épreuves. Des variétés de plécoptères et d’éphémères aimant les eaux fraîches et oxygénées ont été remplacées par des espèces moins exigeantes et surtout beaucoup plus résistantes aux contraintes de ces milieux dégradés.
Sans aller plus loin, on peut donc constater que l’impact d’un tel ouvrage a des conséquences désastreuses mais ce n’est hélas pas le pire.
Les pollutions
Les pollutions, à elles seules, représentent une grande partie du mal qui ronge nos milieux aquatiques. D’origines multiples, elles impactent très fortement nos eaux douces et la vie qui s’y développe.
Pollutions industrielles
Près des villes, c’est la pollution chimique et les effluents industriels en tous genres qui sont légions. Ils sont généralement très concentrés. Ils peuvent avoir un effet toxique sur les organismes vivants et nuisent au pouvoir d’auto-épuration de l’eau. Ces rejets peuvent également introduire des métaux, des substances dangereuses ou radioactives dans la chaîne alimentaire. Parfois, ce sont tout simplement les eaux réchauffées à la suite d’un processus industriel qui perturbent l’écosystème d’une rivière.
Pollutions agricoles
Dans nos campagnes, c’est plutôt les pollutions du secteur agroalimentaire qui dégradent l’état de nos cours d’eaux. Avec l’augmentation de la population, l’agriculture s’est modernisée à grand renfort de produits phytosanitaires : herbicides, fongicides, insecticides. La disparition des haies et des petites parcelles au profit de champs immenses drainés n’a fait que renforcer l’apport de ces matières en tous genres et en grande quantité dans nos cours d’eaux.
L’élevage intensif a entraîné un excédent de déjections animales. Ces dernières, sous l’effet de l’infiltration dans le sous-sol et du ruissellement de l’eau, enrichissent également les cours d’eau et les nappes souterraines en dérivés azotés et constituent une source importante de pollution bactériologique.
Pollutions domestiques
Chacun d’entre nous à son niveau est également responsable en matière de pollution domestique. Les eaux usées que nous rejetons chaque jour, qu’elles soient des eaux de lavage ou ménagères, chargées de graisses, de débris organiques, de détergents, de solvants mais également les eaux vannes provenant des toilettes et qui sont chargées de diverses matières organiques azotées et de germes fécaux se retrouvent parfois dans nos rivières. Malheureusement, nos centrales d’épuration ou nos fosses septiques ne sont pas toujours efficaces et même si les structures de traitement sont performantes, certains rejets d’origine pharmaceutique ou chimique se retrouvent dans nos eaux douces à cause de leur petite taille ou par manque de procédés ne pouvant les traiter.
Pollutions inciviques
On peut également rajouter à toutes les formes de pollution une dernier catégorie. Par le passé, le ramassage des ordures ménagères n’était pas aussi bien géré qu’actuellement. Dans les campagnes, il n’était pas rare de voir des décharges sauvages. Les bords des rivières étaient des zones privilégiées. Avec la montée régulière des eaux, les immondices étaient évacués plus loin, permettant à certains d’avoir la conscience tranquille. De nos jours il y a eu de nets progrès, néanmoins, les actes inciviques sont beaucoup plus nombreux et il me semble qu’une catégorie de personnes n’a absolument aucun respect pour la nature. De de ce fait, cette dernière est une poubelle à ciel ouvert. Á quand des sanctions sévères pour ce genre de méfaits ?
Déchets jetés dans la rivière
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Comment gâcher la beauté un lieu sauvage magnifique.
il existe encore de nos jours des maisons individuelles non raccordées au réseau et sans fosse septique
La pêche intensive en mer
Le pire c’est que l’impact de l’homme ne se réduit pas uniquement à la pollution. La pêche intensive en mer a une incidence directe sur les eaux douces. Les prélèvements abusifs de poissons marins, réduisant les stocks disponibles, ont conduit des oiseaux piscivores comme les cormorans à chercher leur pitance dans les rivières et les lacs. C’est un fléau supplémentaire qui touche certains de nos pauvres milieux aquatiques déjà très fortement agressés.
En y regardant de plus près, il est donc facile de constater que l’impact des pêcheurs de loisir qui conservent des poissons, est bien dérisoire vis-à-vis de celui des dérivés industriels, agricoles et ménagers de notre société moderne.
Même si mathématiquement, un poisson prélevé par un pêcheur ne sera pas en mesure de se reproduire et manquera forcément dans le stock d’origine, ce n’est pas le facteur qui est à l’origine de la chute des populations de truites. C’est bel et bien la dégradation de la qualité de l’eau qui est la responsable de l’appauvrissement de nos cours d’eaux.
Empoisonnées, malades, trop salies pour pouvoir s’auto-épurer suffisamment, les eaux douces sont devenues inhabitables pour les salmonidés ou les thymalidés. Même si la nature a un fort pouvoir de régénération et permet à quelques uns de survivre et de se reproduire, ceci est insuffisant pour contrer les atteintes subies par les milieux aquatiques.
Je n’aborde même pas le problème du réchauffement climatique et des sécheresses que subissent nos cours d’eau. Des phénomènes qui amplifient la raréfaction des salmonidés sur certains cours d’eau et lacs.
Que faut-il faire ?
Avant de vouloir mettre en place une réglementation pêche plus restrictive, des parcours sans tuer, des réserves, des tirs sélectifs sur les oiseaux piscivores, il serait bien plus approprié et judicieux de lutter contre toutes les agressions d’origine humaine qui assassinent à petit feu nos rivières et nos lacs. Pour obtenir une capacité d’accueil maximale pour les salmonidés, la restauration des zones de frayères, l’entretien des berges, la restauration des haies, des fossés, des zones humides doivent être mis en oeuvre.
Bien sûr, la lutte contre toute forme de pollution est évidemment indispensable et même prioritaire si l’on veut espérer un jour retrouver les rivières de nos grands parents. Un défi immense que malheureusement j’ai bien peur que nous ne puissions gagner. Et c’est bien triste.
Hervé THOMAS Fil de pêche